Nicolas Sarkozy (UMP) Nicolas Sarkozy (UMP)
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
PRIORITÉS
En cas de victoire de votre parti, quelles sont les trois mesures que vous prendrez pour le secteur agricole ?
La première, c'est attaquer la négociation de la Pac, puisqu'on va entrer dans le deuxième semestre dans la phase active de la réforme. Nous avons de bonnes indications maintenant sur l'enveloppe budgétaire 2014-2020. On nous annonçait une baisse de 30 % au début de la négociation, nous sommes dans un budget de reconduction. C'est une première étape importante. Et dans le cadre d'une crise économique sans précédent, c'est déjà en soit une performance qu'il faut saluer. Evidemment, il faut maintenant s'attaquer à la répartition de cette enveloppe : quels sont les critères, les règles, etc.
En France, notre priorité sera de continuer le travail que nous menons depuis cinq ans pour améliorer la compétitivité de l'agriculture française. Un certain nombre d'orientations ont déjà été prises, en particulier la TVA emploi qui est un instrument fort et attendu. Ce sont des dizaines de milliers de salariés du monde agricole et du secteur agroalimentaire qui sont concernés. Ce dispositif permet de réduire le coût de main-d'oeuvre en France sans renoncer aux acquis sociaux. D'autres pays, en particulier l'Allemagne, ont choisi depuis quelques années de vraiment diminuer les prestations sociales. Nous ne faisons pas ce choix.
Il faut enfin mettre beaucoup plus de pragmatisme dans l'application des objectifs environnementaux ambitieux que nous nous sommes fixés, mais qui se heurtent aujourd'hui à des problèmes de mise en place. Les préfets devront continuer à faire preuve de bon sens pour qu'on avance sur ce terrain. L'objectif n'est pas de renoncer aux orientations et aux objectifs que nous nous sommes fixés à travers le Grenelle, qu'il s'agisse d'Ecophyto, d'agriculture biologique ou de l'économie verte (méthanisation...). Ce que nous voulons, ce sont des mesures compatibles avec l'économie, simples, pratiques et surtout, pas de paperasserie excessive.
ENVIRONNEMENT
Faut-il encore verdir la politique agricole et si oui, de quelle façon ?
Le verdissement s'entend à l'échelle européenne. Beaucoup de pays n'ont pas fait ce qu'a fait la France en matière de prise en compte des préoccupations environnementales dans l'acte de production. Nous avons beaucoup d'avance. Or, dire « verdir », cela laisse supposer que l'on part de zéro et que l'on a tout à faire. Il serait préférable de parler d'une « boîte verte ». Chaque Etat membre se poserait la question de ce qu'il peut y mettre. Et la France a beaucoup de choses à valoriser à travers des actions déjà menées. Si l'on ne regarde pas ce qui a déjà été fait, on risque d'avoir une démobilisation du monde agricole.
Prenez « Ecophyto 2018 » par exemple : Nous sommes le seul pays à avoir déposé depuis plus d'un an notre plan national sur l'utilisation des pesticides. Aujourd'hui, il s'agit de construire des réseaux de terrain, de mobiliser les agriculteurs pour qu'ils soient à la fois co-expérimentateurs de nouvelles méthodes de productions et puis qu'ils changent leurs pratiques. Ce travail ne peut se faire que s'ils se sentent valorisés pour le travail qu'ils font.
Prenons un autre exemple : l'agriculture biologique. Depuis le Grenelle de l'environnement, les conversions bio ont redécollées. Aujourd'hui, ce sont 15 exploitations par jour qui se convertissent. On n'est certes qu'à 4,5 % de la surface productive – on a dépassé les 6 % dans d'autres secteurs comme la viticulture – mais on a réussi à créer une dynamique.
Le fait d'avoir maintenu pour 2011-12 le crédit d'impôt montre bien que malgré la situation financière très délicate que nous avions à gérer et un débat très compliqué au Parlement sur la réduction des niches fiscales et autres avantages fiscaux, nous avons tenu à le maintenir.
SOUTIENS
Faut-il aider l'agriculture ? Par quels moyens et à quelles conditions ?
Oui bien sûr. L'agriculture produit des biens alimentaires. Elle est de ce fait un acteur économique évident. Les prix doivent rémunérer davantage ce travail d'acteur économique. L'actualité nous montre que le travail effectué depuis cinq ans va dans le bon sens, à condition toutefois que, parallèlement, on mette en place des outils de régulation des variations de marché. Cela dit, l'agriculture aura toujours besoin d'aide car elle remplit d'autres fonctions : d'aménagement du territoire et d'entretien des espaces, des fonctions sociales aussi – c'est l'emploi dans les territoires ruraux qui ont souvent peu d'autres alternatives en matière économique –, et de préservation des ressources naturelles. Nous sommes finalement en train de réinventer le modèle agronomique et agricole français. A ce titre, les agriculteurs méritent les soutiens dont ils sont attributaires.
L'agriculture française crée aussi des aliments de qualité, traçables sur le plan sanitaire, avec un coût qui reste relativement modique – il suffit de prendre comme étalon la part du budget que les ménages consacrent à l'alimentation pour voir. C'est un secteur qui fait énormément de gains de productivité et dont les produits sont en grande partie envoyés vers l'aval et le consommateur final. C'est à ce titre qu'il faut continuer à soutenir le monde agricole. Surtout qu'il y a à la clé presque 450.000 emplois du secteur agroalimentaire. Quand nous développons une stratégie de contractualisation entre les producteurs et leur aval, c'est bien pour consolider ce lien très fort. Car nous savons que 80 % des productions agricoles de base sont transformés ensuite dans des industries.
COMPÉTITIVITÉ
La course à la compétitivité doit-elle être soutenue ? Quelles mesures serez-vous prêt à prendre dans ce sens ?
Notre discours sur la compétitivité n'est pas un discours idéologique. C'est un discours basé sur un constat simple : alors que tout le débat sur la Pac des deux dernières décennies était orienté vers la compétition entre les USA et l'UE avec comme arbitre l'OMC, il y a aujourd'hui un nouveau débat qui s'est développé à l'intérieur de la zone euro. Il y a une compétition entre partenaires européens.
Force est de reconnaître que la France n'a pas brillé par ses performances au cours des dernières années. 2011 a été davantage bénéfique. Nous avons réussi à redresser la barre, en particulier sur les produits viticoles. Cela montre que les mesures qui ont déjà été prises ont été payantes et qu'il faut continuer à se fixer comme objectif de rester dans la course.
L'un des points sur lesquels nous avons beaucoup de travail, c'est l'organisation des producteurs. Cela nécessite à la fois des mesures intergouvernementales, en particulier l'adaptation du droit européen à la concurrence. Par exemple, dans le « paquet lait », c'est de consolider cette possibilité qu'il puisse y avoir une négociation qui regroupe jusqu'à un tiers de la production nationale de lait et jusqu'à 3,5 % de la production européenne. Cela nous permettrait de consolider le modèle français d'une négociation collective et d'une organisation au sein des interprofessions, qui soient des interlocuteurs à la hauteur des enjeux. Les industriels et la distribution sont aujourd'hui fortement regroupés. Les agriculteurs doivent également le faire.
Il faut aussi que l'effort soit poursuivi par les agriculteurs eux-mêmes. Les négociations sur le lait ne sont pas simples en ce moment. Encore énormément de choses restent à faire également en fruits et légumes ou en viande bovine. Dans ce dernier secteur notamment, la question de l'organisation professionnelle au sein de la filière s'est posée dès 2006, dans le cadre de la loi d'orientation agricole (LOA). La réponse a été : « On n'en a pas besoin, on sait faire. » Aujourd'hui, de nouveaux marchés se sont ouverts, et alors que nous avons de nouvelles possibilités d'exportation, nous nous rendons compte qu'on manque de matière. Si la filière s'était organisée un peu plus tôt et un peu mieux, elle pourrait encore mieux profiter de ces opportunités.
L'organisation ne doit pas être vécue comme une contrainte par les producteurs. C'est au contraire une façon d'aborder la réalité des marchés pour se mettre en position de force. Ce juste équilibre résulte de la négociation pour rémunérer le mieux possible l'acte économique du producteur. Il faut revenir à ces fondamentaux aussi dans la coopération. Le contrat n'est pas un sujet qui concerne uniquement les industriels privés ou des distributeurs dans leurs relations avec leurs fournisseurs.Cette organisation de la production laissera d'autant plus de marges de manoeuvre pour travailler sur d'autres sujets comme la réduction des charges ou l'accompagnement dans la modernisation des outils de production (plan bâtiment...).
RELOCALISATION
La sécurité alimentaire passe-t-elle par la relocalisation de la production agricole ? Jusqu'où doit-elle aller ?
Cela passe d'abord par un débat sur les normes. Nous avons en France des normes extrêmement élevées, très strictes, qui nous permettent de limiter les accidents alimentaires. Leur application a un coût dans le prix de production et il faut d'abord que nous puissions avancer sur une harmonisation dans le cadre européen, même si cette harmonisation est également souhaitable au niveau international. Nous sommes pour une réciprocité des normes. Il n'est pas normal d'être plus exigent pour nos producteurs. C'est une discrimination négative pour nos propres producteurs alors qu'on va importer des produits pour lesquels les contrôles sont beaucoup moins rigoureux. Nous devons agir sur la réduction des importations.
Il faut aussi favoriser la consommation locale. Un décret a été pris en ce sens. Il permet aux collectivités locales lorsqu'elles négocient des marchés d'approvisionnement de la restauration collective, d'introduire des considérations de proximité. Cette initiative permet également d'adopter une démarche environnementale, un raisonnement de durabilité qui est de dire que l'on ne va pas forcément prendre le produit le moins cher, mais regarder également d'où il vient. Est-ce qu'il a consommé beaucoup de carburants pour venir chez nous ? Est-ce qu'il est normal de consommer des fraises à Noël ? Etc. Chaque collectivité doit se saisir du sujet.
Et puis, il faut poursuivre le travail en interne et consolider notre système de traçabilité, que sont les signes officiels de qualité. Appellations d'origine, labels... Au-delà de la dimension de terroir qu'ils portent, ce sont autant de garanties organoleptiques et sanitaires. C'est aussi le plaisir que l'on peut prendre à consommer un produit. A ce titre, réjouissons-nous de la reconnaissance de la culture alimentaire française au niveau de l'Unesco. C'est une belle étape qui permet de mettre en avant notre savoir-faire.
FONCIER
L'usage des terres doit-il être réservé à la production alimentaire, ou faut-il en réserver une part pour les débouchés énergétiques et la préservation de la biodiversité ?
Tous les dix ans, on consomme un département en terres agricoles pour d'autres usages. Il est évident que l'on ne peut pas continuer sur cette lancée. Toutes les mesures qui sont prises, en particulier l'observatoire des terres, la taxe sur le changement de destination des terres et le soutien à l'installation des jeunes agricoles avec lequel nous avons fait le lien... visent à enrayer ce phénomène.
Sur le terrain, l'Administration est très attentive à l'application de ces textes. De plus en plus de communes se rendent compte que des projets d'urbanisme, tels qu'ils étaient calibrés par le passé, ne peuvent plus s'aborder dans les mêmes conditions, en consommant autant de surfaces. C'est un processus qui est engagé, mais il faut bien être conscient qu'il se fera sur une génération. L'objectif est clair : consommer moins de terres à l'avenir. C'est par là que tout commence.
Il ne faut pas pour autant éluder le débat sur la qualité des terres. La qualité agronomique des sols doit être préservée. Le partenariat entre les éleveurs bretons et les producteurs de céréales du Bassin parisien – dont vous vous êtes fait l'écho dans le numéro du 2 mars – est une initiative qui doit faire des émules. Les premiers ont trouvé un débouché pour leurs effluents organiques et les autres peuvent ainsi aborder leur fertilisation à travers un nouvel engrais. Du coup, cela permet également de consolider la matière organique du sol.
Il faut aussi évoquer le débat au sein de la Pac sur la part de terrain non productive, réservée aux aspects environnementaux. La Commission propose 7 %. C'est dur à gérer. Sur le principe, c'est un outil qui peut être effectivement intéressant pour assurer une diversité dans les paysages, pour consolider une biodiversité également. Mais nous avons des outils, il n'est pas nécessaire d'en réinventer. Là encore, il n'est pas question pour l'UMP de construire un discours idéologique autour de ce sujet. Nous le prenons avec pragmatisme.
[summary id = "10022"]
Pour accéder à l'ensembles nos offres :